Volet scientifique > Appel à contributions

Le thème de cette conférence Disability research for the real world incite les chercheuses et les chercheurs à ancrer leurs travaux dans les défis politiques et éthiques de notre époque pour tenter de faire émerger des réponses théoriques et pragmatiques novatrices. Une telle démarche nécessite certaines formes d’engagement et de réflexions prospectives.

Les études sur le handicap ont connu plusieurs versions incarnées par des personnalités diverses. Les fondateurs des disability studies aux États-Unis, les initiateurs du modèle social au Royaume-Uni, ainsi que les approches philosophiques, historiques et pragmatiques émanant d’Europe continentale et des pays du Sud offrent une riche palette de travaux sur le handicap qui gagnerait aujourd’hui à être revisitée et davantage déployée.

Le handicap est un concept mouvant qui s’est nourri des différents courants du modernisme et du postmodernisme. Et bien qu’elles s’y réfèrent peu, les orientations actuelles qui nous invitent à “agir dans un monde incertain” (Callon, Lascoume et Barthes, 2001), à reconnaitre et apprivoiser “le trouble” de notre monde (Donna Haraway, 2020) marqué par les catastrophes, à construire de nouvelles connexions au-delà de l'humain (Isabelle Stengers) et à développer une nouvelle éthique en phase avec les défis contemporains (Rosi Braidotti, Jennifer Deger)… résonnent avec la recherche sur le handicap tant les situations de handicap et de vulnérabilité incarnent de longue date ces nouvelles manières de penser notre monde et ses connexions.

L’expression Disability for the Real World s'inspire directement de l'ouvrage de Victor Papanek (1971) « Design for the Real World.Human Ecology and Social Change » qui plaide pour une conception socialement et écologiquement responsable des productions, des outils et des infrastructures collectives. Elle s'inspire aussi de l'ouvrage de Tim Ingold (2022) « Imagining for Real : Essays on Creation, Attention and Correspondence » dans lequel l’auteur « entreprend de réparer la rupture entre la réalité et l'imagination au cœur de la pensée et de la science modernes. Imaginer ‘pour de vrai’ s'inscrit dans un monde de vie toujours en cours de création, s'intéresse à ses processus de formation et correspond à la vie de ses habitants humains et non humains ».

Fortes de ces inspirations, l'édition 2024 de la conférence ALTER invite au développement de conceptions qui, partant de la grande diversité des domaines d’application des recherches sur le handicap (travail, éducation, santé, famille, corps, sexualité, pratiques artistiques, identités, mobilisations…), examinent les situations passées et présentes en vue de façonner l'avenir.

Cadre. Le présent appel à communications s’inscrit dans le cadre de la rencontre annuelle de la société Alter –European Society for Disability Research/Société Européenne de Recherche sur le Handicap (http://alter-asso.org). La Conférence se tiendra les jeudi 4 et vendredi 5 juillet 2024, à l’université KU Leuven  dans la ville de Leuven (Belgique).

PublicL’appel à communications s’adresse à tous les chercheurs et chercheuses « juniors » ou « seniors » - en sciences humaines et sociales qui travaillent dans le champ du handicap ou sur des questions connexes telles que la santé mentale ou la perte d’autonomie, ainsi qu’à tout public concerné directement par le handicap et s’inscrivant dans une démarche de recherche participative. Sans être limitatives, les disciplines particulièrement visées sont la sociologie, l’anthropologie, l'histoire, la géographie, la philosophie, la psychologie, les sciences de l’éducation, le droit et la science politique, l’architecture, l’urbanisme.

Langues de la conférence. Anglais, français.

Contextualisation. La 12ème conférence Alter met l’accent sur les défis et les opportunités des mondes contemporains en Europe et dans le monde. Elle invite à faire du trouble et des incertitudes que génèrent les catastrophes environnementales et sanitaires, les violences et les migrations, d’une part, les crises des sociétés et de la science, d’autre part, une source d’inspiration en faveur d’une recherche sur le handicap plus en phase avec les défis économiques et écologiques auxquels nous faisons face. Elle invite également à une réflexivité collective qui, partant des connaissances et savoir-faire acquis dans le domaine, les confronte au présent pour construire des futurs durables. Dès lors, il ne s’agit pas tant de produire de nouvelles recherches que de porter un nouveau regard sur les travaux en cours.

Trois pistes peuvent d’ores et déjà être avancées ; d’autres peuvent être proposées :

Les vulnérabilités associées aux inégalités et aux discriminations sont à la fois l’effet et la cause d’expériences d'isolement social et d'aliénation ; elles peuvent aussi ouvrir des voies pour la reconnaissance et le développement de nouvelles formes de solidarités, de relations entre les humains et la nature et entre les humains et les objets (outils, procédures, règles, technologies…).

Contre le risque d’effondrement, les défis d’aujourd’hui nous incitent à réconcilier imagination et réalité pour concevoir des théories et des savoir-faire au fondement d’un design accessible et inclusif ancré dans les patrimoines culturels matériels et immatériels.

Les tournants épistémologiques et ontologiques des sciences sociales ont impulsé une réflexion éthique sur les méthodes de la recherche dans laquelle les chercheurs intéressés par les questions de handicap ont été activement impliqués, en développant des procédures de consentement et en clarifiant leurs positionnements. Cependant, ces principes éthiques semblent parfois déconnectés des situations réelles et nécessitent que les chercheuses et les chercheurs engagent une réflexion sur leur propre "performativité éthique en temps de catastrophe" (pour combiner les termes de Jennifer Deger et d'Isabelle Stengers).

La 12ème conférence Alter accueillera des contributions théoriques et/ou empiriques pouvant s’inscrire dans l’un des axes de recherche suivants, sans exclusive :

  1. 1.     Entre héritages et avenirs : Redéfinir la recherche contemporaine sur le handicap

Cet axe englobe une perspective sur les transformations de la recherche sur le handicap. Les réflexions qui, partant de la manière dont le passé informe et recoupe le présent, proposent de faire avancer la recherche sur le handicap, sont encouragées, en particulier, les pratiques qui comblent les divisions à l'intersection du handicap, du genre et de la (dé)colonisation.

  1. 2.     Répertoires culturels de la conception du handicap

Cet axe accueille des études qui analysent les « répertoires culturels » des manières de penser, de faire et de vivre avec le handicap, leurs éventuelles hybridations dans les différents domaines de la vie des personnes et les formes de relations qu’ils produisent.

  1. 3.     Les politiques du handicap face aux autres enjeux sociétaux

Cet axe s’intéresse aux inflexions des politiques du handicap en lien avec les défis actuels, leurs potentiels croisements avec d’autres enjeux sociaux comme ceux relatifs à l’environnement, à l’urbanisme, à l’éducation, au travail, ou avec des dispositifs ciblant d’autres formes d’inégalités en lien avec le genre, les migrations, la monoparentalité… On se demandera dans quelle mesure et de quelles manières l’urgence climatique, les crises sanitaires, la flambée des inégalités… impactent les politiques et services dédiés aux personnes en situation de handicap ainsi qu’aux effets de ces inflexions sur la vie quotidienne des personnes concernées

  1. 4.     Conceptions matérielles et immatérielles inclusives

Cet axe s’intéresse aux processus créatifs qui puisent dans la diversité des patrimoines matériels et immatériels pour fabriquer des espaces/dispositifs inclusifs.  Partant d’une réflexion critique des manières de penser l’inclusion, il regroupe des propositions théoriques et/ou empiriques dans les domaines du design et de l’ingénierie (y compris sociale) qui prennent en considération les répertoires culturels (langage, techniques corporelles…).

  1. 5.     Performativité éthique au temps des catastrophes

Cet axe regroupe des travaux sur l'éthique de la participation, de la mutualité de de l’interdépendance, dans les contextes académique, législatif, politique comme dans celui des pratiques professionnelles en lien avec le handicap. Des contributions qui visent à réformer les lignes directrices actuelles et susceptibles de faire avancer la pratique de la recherche sont particulièrement attendues.

  1. 6.     Technologie et innovation

Cet axe regroupe des recherches sur les technologies et l'innovation en matière de handicap. Notamment dans le domaine de la communication (y compris les réseaux sociaux), de la génomique (y compris le conseil génétique), des transports et des mobilités (par exemple, la voiture à conduite autonome, les cartographies participatives…), mais aussi les innovations en matière d’éducation, de santé, d’architecture et d’urbanisme (par exemples, maisons et les villes intelligentes).

 

SoumissionLes propositions de communication doivent être déposées au plus tard le 26 janvier 2024 sur le site de la conférence Alter. A cette fin, il est nécessaire de créer préalablement un compte sur la plateforme Sciencesconf.org si vous n'en disposez pas encore : https://alterconf2024.sciencesconf.org/

Les propositions de communication peuvent être introduites individuellement (20 min par exposé) ou de manière groupée sous la forme d’une session comportant entre trois et
quatre interventions reliées entre elles (20 min chacune). Dans ce cas, il est demandé de déposer une présentation de la session en plus des résumés des interventions elles-mêmes. Chaque proposition de communication est rédigée en anglais ou en français, selon la trame suivante :

  • le titre de la communication ou de la session ;
  • pour une communication individuelle : un résumé de la proposition de communication de 3500 caractères maximum (espaces compris), lequel doit veiller à en expliciter l’originalité, la problématique, les méthodes et résultats (selon les usages en vigueur dans la discipline) et contenir une bibliographie indicative ;
  • pour une session : un argumentaire soutenant la proposition de session de 3500 caractères maximum (espaces compris), lequel indique les noms, prénoms et appartenances institutionnelles des auteur.e.s qui la composent, ainsi que les titres des interventions concernées ; les résumés des différentes interventions formant la session sont quant à eux déposés en tant que fichiers joints à l'argumentaire, et observent les mêmes directives que les propositions de communications individuelles.
  • l’axe dans lequel s’inscrit la communication (cf. supra).
  • la langue retenue pour la communication ou la session : Français ou anglais

 La décision du Conseil scientifique sera notifiée le 29 février 2024, étant entendu qu’en soumettant une proposition de communication ou de session les auteur.es s’engagent à l’honorer si elle est retenue. 

 

Réferences indicatives

Rosi Braidotti (2019) Posthuman Knowledge. Polity Press

Michel Callon, Pierre Lascoume et Yannick Barthes (2001) Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. Paris, Editions du Seuil.

Jennifer Deger (2019) Phone & Spear. A Yuta Anthropology. Goldsmiths Press.

Donna J. Haraway (2020) Vivre avec le trouble. Les Editions des Mondes à Faire.

Tim Ingold (2022) Imagining for Real: Essays on Creation, Attention and Correspondence. Routledge.

Victor Papanek (2005, 1971) Design for tje Real World. Human Ecology ans Social Change. Chicago Review Press.

Isabelle Stengers (2009) Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, La Découverte.

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